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Le Soudan, entre influences égyptienne et éthiopienne

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Suite à l’accord de transition pour le Soudan, la population soudanaise a exprimé sa gratitude envers le principal pays médiateur, l’Ethiopie. Cette victoire diplomatique de l’Ethiopie marque le retour du pays sur la scène est-africaine – au détriment de son rival égyptien ?

Une rivalité historique

Tag anti-Omar El Bechir, durant la révolution soudanaise. Les manifestations avaient pour but de faire tomber le régime militaire de Khartoum, source d'inquiétude pour l'Egypte.
Tag anti-Omar El Bechir, ex-dictateur du Soudan

L’Egypte et l’Ethiopie sont des rivaux de longue date. Les deux Etats se sont formés comme Etat-nations au XIXe siècle avec des politiques de conquête similaires, du Soudan pour l’Egypte, de l’Érythrée, du sud est de l’est pour l’Ethiopie. Le pouvoir égyptien a même revendiqué l’Ethiopie un temps, et occupé le littoral érythréen avant la colonisation italienne. C’est donc dès la formation nationale des deux Etats que la rivalité est née.

Celle-ci s’est accentuée avec l’histoire. L’arabisme égyptien et soudanais a soutenu le Front de Libération de l’Érythrée contre le pouvoir d’Addis Abeba. De plus, l’Egypte a mené le front des non-alignés, là où le pouvoir de l’empereur Haile Selassie était clairement pro-américain. Cependant, le principal point de discorde se situe sur les ressources hydrauliques du Nil. C’est en effet le Caire qui était en position de force lorsque les négociations ont eu lieu sur le partage des ressources du Nil. Aujourd’hui, la situation est contestée, l’Ethiopie étant leader de la fronde. Les barrages prévus par le pouvoir d’Addis Abeba ont été soutenus par Khartoum, mais inquiètent l’Egypte.

Aujourd’hui, l’Egypte et l’Ethiopie sont les deux pays les plus peuplés et économiquement les plus dynamiques de l’Afrique du nord-est. De par leur histoire de grands empires, et leur situation émergente, il est logique que les deux pays se perçoivent comme puissance régionale. La crise soudanaise nous a donné un exemple où le Caire et Addis Abeba ont manifesté leur influence, avec des résultats différents.

Vers une transition au Soudan

Il est important de rappeler la structure politique des trois pays. Tous trois sont des régimes militaires, où l’armée à une importance fondamentale. L’Ethiopie à ce titre est un exemple original : l’influence de l’armée a grandement diminuée avec l’accession d’Abiy Ahmed au pouvoir en 2018. Mais l’appareil militaire reste important, comme en témoigne la tentative de coup d’Etat dans la province Amhara en juin 2019. Si, en Egypte, l’armée a mis fin à la révolution, en Ethiopie, un régime civil cherche à s’émanciper de la structure militaire.

Ce retour sur la sociologie des Etats éthiopien et égyptien permet de mieux comprendre leur position sur la crise soudanaise. La crainte du Caire était une déstabilisation du Soudan. Il est donc impératif pour l’Egypte que le pouvoir de Khartoum soit suffisamment solide – stabilité que l’armée semblait pouvoir assurer. Du côté du nouveau pouvoir éthiopien, la révolution soudanaise est une opportunité pour promouvoir son modèle démocratique – et marginaliser l’influence des militaires sur Addis Abeba. Ainsi, Egypte comme Ethiopie ont intérêt à avoir un voisin soudanais stable. Néanmoins, la forme du nouvel état soudanais permettrait de promouvoir plus facilement le modèle (et pourquoi pas l’influence) de l’une des deux puissances.

Le succès de la médiation éthiopienne

Le résultat est sans appel. Ancienne puissance coloniale, régime militaire qui réprime la démocratie, le Caire était perçu comme le soutien des militaires. À l’inverse, suite à l’accord de transition sous médiation éthiopienne, on a vu des drapeaux éthiopiens dans les rues soudanaises. Addis Abeba a pu gagner la sympathie des manifestants soudanais, renforçant son image chez son voisin du nord-ouest.

Toutefois, il ne faut pas voir une totale perte de l’influence égyptienne sur la scène soudanaise. La médiation éthiopienne s’est inscrite dans le cadre de l’Union Africaine, présidée par le Caire. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’a eu lieu une conférence sur la situation du Soudan en avril 2019. On peut noter une approche très pragmatique de la part des deux pays, qui ne sont pas intervenus dans les affaires internes soudanaises. En revanche, on ne peut nier que l’accord, où l’opposition a su s’imposer face à l’armée, ressemble plus à une victoire éthiopienne qu’une victoire égyptienne sur le long terme.

Bibliographie

Richard Reid, Frontiers of violence in North-East Africa, 2011
Marc Lavergne, Le Soudan contemporain, 1989
En Ethiopie, le chef de l’armée tué dans une tentative de « coup d’Etat »
Soudan : l’Union africaine et l’Éthiopie proposent un nouveau plan de transition, Jeune Afrique

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